CRÉATEUR DE PROXIMITÉ DIGITALE, FORMER,TRANSFORMER, RAPPROCHER

Des attentes fortes des patients

Des études significatives ont été récemment menées par le Cabinet de Conseil Accenture dans 8 pays économiquement avancés pour mesurer les attentes et les pratiques des patients comme des professionnels de santé.A cette étude de 2013, s’ajoute une étude de 2014, proposée également par Accenture et dédiée aux seniors qui maîtrisent de mieux en mieux (à plus de 70%) les outils numériques et manifestent un intérêt croissant pour les services de santé numérique.Que retenir de ces enquêtes ? Comment les interpréter ? Quels en sont les points saillants ?

Un chiffre à lui seul permet de placer les autres en perspective. 61% des patients envisageraient de changer de médecin traitant afin de pouvoir accéder à leur dossier médical en ligne. Ce chiffre témoigne de la volonté manifestée par une grande majorité de patients de maîtriser l’information sur leur propre santé et de leur volonté d’exercer leur droit à l’information.

Un désir d’information qui constitue le fil d’Ariane de cette démarche digitale. Accès au dossier médical électronique( DME) , demande de renouvellement d’ordonnance, communication télématique sécurisée avec son praticien, rappel de rendez-vous par courriel ou SMS, prise ou annulation de rendez-vous, tels sont les points saillants des demandes formulées par plus de 70% des patients interrogés.

Ces demandes légitimes s’inscrivent dans un contexte très spécifique, celui d’une utilisation de plus en plus intense des objets connectés. Dans cette optique, il apparaît parfaitement logique qu’un patient qui communique en quasi permanence avec, par exemple, son bracelet porteur d’un capteur de tension artérielle, soit désireux de communiquer en ligne avec son médecin. Cette désacralisation du rapport patient/ thérapeute se lit clairement dans ce nouveau rapport d’immédiateté exigeante.

A cet égard, Rick Ratliff, Directeur du pôle santé connecté d’Accenture US, a très finement mis le doigt sur cette ligne de fracture invisible, ce fossé numérique qui sépare patients et praticiens où les thérapeutes, eux-mêmes très attachés aux pratiques de santé digitale, sont peu enclins à établir avec leurs patients un dialogue télématique fondé sur l’échange et l’esprit d’égalité.

Cette difficulté dans le dialogue est d’autant plus paradoxale qu’elle confronte des patients qui avec leurs idées, leurs mots,  et leurs attitudes propres ont une claire conscience de l’importance de la santé digitale dans leur quotidien à des thérapeutes qui sont pleinement entrés dans l’ère digitale, s’agissant de leurs pratiques  médicales.

Quelle serait donc aujourd’hui la perception, la vision et l’action  des professionnels de santé en matière de santé digitale

Des professionnels engagés

EIS, (échange d’informations de santé), création du DMP, accès au dossier médical par voie électronique rendu possible par la Loi Kouchner de 2002  sont autant d’éléments qui témoignent de la forte imbrication entre médecine et nouvelles technologies de l’information. Au point même qu’aujourd’hui le soin ne saurait se concevoir  sans un recours très fréquent  tant aux objets de santé connectés qu’à des dispositifs techniques où le numérique joue un rôle essentiel.

A la lecture de l’étude d’Accenture déjà évoquée, il apparaît que 92% des professionnels de santé utilisent activement le DME dans les établissements de santé. Autre chiffre significatif : 77% des médecins soulignent que l’utilisation de solutions informatiques de santé permet de réduire les risques d’erreur médicale et d’améliorer les diagnostics posés.

Tous ces éléments indiquent nettement que le corps médical français, en termes d’échange d’informations (34% des médecins déclarent recourir à l’EIS), en termes de saisie informatisée des données des patients, en termes de confirmation de diagnostic, s’engage résolument dans la médecine connectée.

Et les exemples de l’engagement des professionnels de santé ne manquent pas. Ce phénomène concerne aussi bien l’optimisation des échanges entre acteurs de santé, que l’information, la prévention ou le suivi des patients ou l’observance et l’efficacité de la prise en charge.

On retiendra ici, parmi bien des exemples, trois démarches significatives de cette nouvelle donne et de ce nouvel état d’esprit :

1 – le renforcement de l’information des patients en zone rurale autour d’un projet « Territoire de soins numérique » porté par l’ARS de Lorraine qui s’appuie sur des projets innovants.

2 – le développement de l’observance chez les patients, comme le propose l’association Observia grâce au projet AT-Coach qui adresse au patient volontaire un SMS sur son portable pour lui rappeler la nécessité de prendre son traitement à l’heure dite.

3 – l’accent mis sur la prévention et le suivi bucco-dentaire, s’agissant de populations fragiles, dépendantes ou démunies. C’est le sens du projet e-DENT porté par le CRHU de Montpellier qui propose une téléconsultation dentaire, visant à favoriser la prévention des affections chez des populations largement exclues de ce type de soins.

L’ensemble de ces pratiques  montre à l’évidence que le souci du patient reste au cœur d’une pratique médicale, certes hyper technologique mais qui ne saurait oublier sa visée première : le bien-être du malade.

Et paradoxalement cette irruption décisive de la communication digitale dans la médecine se retrouve très faiblement dans les liens entre les soignants  et les patients. 9% seulement des praticiens, chiffre très modeste, affirment avoir établi une communication digitale avec leurs patients. Il faut envisager maintenant les raisons possibles ce phénomène.

Des obstacles et des freins

A quoi tiennent donc ces obstacles et ces freins qui interdisent dans une large mesure le développement harmonieux d’une relation digitale entre patient et soignant ?

Il s’agit sans doute essentiellement d’un problème de sécurité et de confidentialité que le Conseil d’éthique et de déontologie de l’ASIP Santé (Agence des Systèmes d’Information Partagés de Santé) a mis en lumière en octobre 2012. « Le Conseil constate en premier lieu que l’usage actuellement très répandu des messageries mises à la disposition du public par les fournisseurs d’accès internet traditionnels conduit à faire circuler en clair par des courriels non cryptés des données sensibles , ce qui ne saurait être admis… »

Derrière tout cela, c’est le danger  de remise en question du secret médical, au centre de l’engagement éthique du praticien, qui menace. Et l’on ne peut d’un revers de main écarter cette question pourtant centrale et stratégique.

Communiquer de manière non sécurisée avec son thérapeute c’est prendre le risque de voir l’intimité de sa relation thérapeutique, la confiance qui préside à ce lien subjectif, menacées et remises en question.

Quelles solutions envisager ? Elles devraient  autant que possible s’inspirer du système MS Santé proposé par l’ASIP qui vise à sécuriser les échanges dématérialisés entre professionnels de santé

Ce projet de messagerie sécurisée ambitieux qui promeut l’universalité des échanges et leur entière confidentialité vise à renforcer la coordination des soins et à améliorer les échanges entre l’hôpital et la ville.

L’idée qui préside à cette démarche est de créer au service du patient un espace de confiance où puissent se retrouver potentiellement plus d’un million de professionnels de santé et près de 2800 établissements.

A ce stade,  cette messagerie sécurisée est un outil purement professionnel. Pourra-t-’on envisager une extension du système à même de proposer une relation digitale protégée et sécurisée entre le patient et le soignant ? Ce serait là le moyen d’aplanir les obstacles qui nuisent à la relation digitale.

Dans cette perspective, le concept de santé digitale prendrait encore plus de force et s’enrichirait d’un dialogue confiant et protégé entre des professionnels engagés et des patients en attente de solutions et de pratiques de nature à améliorer la prise en charge de leur santé.

L’utopie de la santé digitale serait-elle en voie de réalisation ?  

Références
Etudes du Cabinet ACCENTURE sur la santé connectée
Projet « territoires de soins numériques » ARS de Lorraine
Projet e-DENT CRHU de Montpellier
Projet AT- Coach. Association Observia
ASIP santé
MS Santé

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