CRÉATEUR DE PROXIMITÉ DIGITALE, FORMER,TRANSFORMER, RAPPROCHER

La santé digitale : un vecteur puissant de changement

Giovanna_MarsicoGiovanna Marsico, avocate italienne, est à la tête de la plate-forme collaborative Cancer-Contribution. (http://www.cancercontribution.fr/.) En parallèle, elle a fondé et anime avec Catherine Cerisey l’agence  Patients & Web, une agence de conseils et d’accompagnement en projets santé à destination des patients.
Associer, expliquer, impliquer, convaincre représentent les pôles autour desquels s’articule la réflexion de Giovanna. Ses idées autour de thématiques significatives méritent d’être écoutées, analysées et relayées

 

Des améliorations qui font sens.

Recherche basique d’informations, évaluation , choix d’un médecin ou d’un traitement, implication personnelle dans la prise en charge de sa maladie, échange de conseils en matière de bonnes pratiques : le numérique en santé a bouleversé le paysage sanitaire français. Il a modifié en profondeur les comportements, les attitudes, les besoins des malades quelle que soit la gravité des affections et des maladies qui les atteignent.

Comme le souligne Giovanna Marsico « cette vague de fond a dépassé le cadre strict de la recherche d’informations pour tendre à la construction d’une évaluation du système de soins portée par les patients eux-mêmes. »

En la matière, le site Hospitalidee (https://hospitalidee.fr/) récemment mis en ligne est symbolique d’une nouvelle ère. Il propose des avis anonymes de patients afin de permettre à chacun de s’orienter plus aisément vers le bon service de santé.

C’est là une démarche participative et qualitative qui fait sens et oriente sur la bonne voie notre système de santé collectif.

 

La prévention : un champ d’intervention complexe

Longtemps, le système français de protection sociale a pensé la santé en termes exclusifs de soins et de traitement.

Mais les temps changent, les contraintes se durcissent, les budgets sociaux rétrécissent, la question du vieillissement de la population s’impose comme un enjeu majeur de société.

Face à cette transformation en profondeur, on constate une modification des attitudes et une perception plus fine des enjeux de ce redéploiement. La prévention devient elle-aussi une préoccupation constante des décideurs et des financeurs de notre santé collective. « Attention néanmoins, précise Giovanna, à ne pas adopter une attitude moralisatrice en ce domaine. L’obligation et l’interdiction ne sauraient favoriser l’éducation à la santé. »

Celle-ci doit valoriser la personne, lui suggérer les bonnes pratiques, « inviter plutôt qu’ordonner ».Ce qui est utile pour le patient et pour le citoyen c’est de transformer l’obligation en plaisir, de privilégier tout ce qui est ludique et donne envie de protéger son corps et de préserver sa santé. En la matière, beaucoup d’applications d’e-santé liées au bien-être s’inscrivent dans cette perspective et sont de nature à susciter du bonheur.

 

Le patient expert au centre du système

La révolution numérique a fait émerger un patient d’un nouveau type : le patient expert. Une expertise qui s’exprime pleinement s’agissant des maladies graves ou chroniques. Dans ce cas précis, se met en route un processus complexe : à la sidération face à l’annonce du diagnostic succède la prise de conscience des contraintes et des obligations auxquelles le malade est confronté.

Survient alors le temps des questionnements que rapporte Giovanna « Comment vais-je gérer maintenant mon existence ? De quelle qualité de vie vais-je bénéficier ? De quelles informations ai-je besoin pour gérer ma maladie ? »

Ce sont précisément tous ces contenus que le patient atteint d’une maladie grave va puiser sur Internet, en accédant par exemple à des informations sur des essais cliniques ou des expériences. Il va être en mesure d’échanger avec d’autres malades qui proposent des méthodes ou des techniques de nature à atténuer les effets négatifs des traitements.

Les réseaux sociaux, quant à eux, les forums, les groupes de discussion vont également permettre de rencontrer des patients confrontés aux mêmes situations et de sortir de l’isolement et l’angoisse.

Comme le souligne avec force Giovanna Marsico : «  la révolution numérique et les outils digitaux favorisent une connaissance citoyenne et profane d’une pathologie. Ils privilégient une approche vivante fondée sur l’expérience pratique de la maladie. »

 

Révolution numérique et prise en charge de la pathologie

Si l’on déroule le fil rouge du parcours de soins s’agissant des maladies les plus graves (identification de la pathologie, diagnostic, protocoles de soins, gestion de la fin de vie), l’on constatera un besoin jamais démenti chez les patients de connaissances, d’évaluation des traitements, d’adaptation de ceux-ci à leurs besoins et à leur individualité.

Internet est le lieu par excellence où l’on se rend pour essayer d’identifier les symptômes d’une maladie dont on se croit à tort ou à raison atteint. Ce phénomène implique que le patient soit formé au bon usage des outils numériques pour faire le départ entre les craintes infondées et les réalités d’une pathologie déjà présente.

Une fois posé le diagnostic par le médecin, le malade évalue, expose son point de vue, interroge le thérapeute sur les alternatives envisageables. Si les solutions proposées ne lui conviennent pas, notamment en termes d’effets secondaires, le patient revient chez son médecin, après avoir recherché sur des forums spécialisés ou auprès d’associations de patients ou de groupes l’existence de protocoles moins invasifs.

« Le .cœur des choses, précise Giovanna Marsico, notamment dans le domaine du cancer qui frappe 365 000 nouveaux patients chaque année en France, c’est d’assurer une cohérence entre proposition thérapeutique et attente du patient en termes de qualité du quotidien et de projet de vie.

De ce point de vue, savoir chercher et où chercher, éduquer à la santé, permettre à chacun de s’approprier Internet, lui apprendre à porter un regard critique sont autant de ressources fondamentales qui permettent aux patients d’assumer et d’affronter leur maladie. »

 

Vers un parcours de soins digitalisé ?

« S’agissant des maladies graves ou chroniques, l’idée d’un parcours de soins qui mettrait en œuvre les ressources de la e-santé est d’autant plus intéressante qu’elle permet de combler certaines lacunes et certains manques du système de santé dans les zones de « déserts médicaux » où l’isolement du malade est particulièrement flagrant, » note Giovanna.

C’est à une organisation plus efficace en termes de soins et de prise en compte des besoins des malades que renvoie cette démarche. Dans le cas des personnes âgées malades, cette gestion du suivi médical est facilitée par la mise en place d’outils digitaux destinés à améliorer la santé à domicile.

C’est le sens d’un projet mené par 9 Agences Régionales de Santé dont le mot d’ordre résume de manière concise l’esprit du projet : » De bons soins, de bonnes pratiques, de bonnes structures, au bon moment »

Ces outils digitaux trouvent leur plein champ d’application s’agissant du maintien à domicile des patients atteints de lourdes pathologies. Ils garantissent des soins de qualité et favorisent l’accès de tous aux traitements.

Eviter le sentiment de solitude, garantir l’observance des traitements, préserver l’égalité : ces principes majeurs qui fondent notre démocratie sanitaire, les applications digitales accroissent leur pertinence et leur efficacité.

 

Des associations de patients en pointe sur les projets digitaux

Les associations de patients sont extrêmement attentives au développement de projets digitaux et s’impliquent directement dans la mise en œuvre d’applications mobiles utiles voire indispensables dans la vie des patients. Aux yeux de Giovanna, « ces applications poursuivent plusieurs objectifs : faciliter le quotidien des malades, améliorer le suivi thérapeutique, gérer les effets secondaires des pathologies, favoriser l’éducation à la santé, notamment en matière de diététique. »

En la matière, deux exemples pourraient être relevés. L’Association François Aupetit, (http://www.afa.asso.fr/) dédiée aux patients atteints de la maladie de Crohn et de recto-colite hémorragique, a favorisé la mise en œuvre d’une application spécifique : « AfaMICI ». Cette application permet aux patients souffrant de ces pathologies de géo-localiser des toilettes dans l’espace public de proximité et d’y accéder.

Dans le même esprit, L’Association Asthme et Allergies (http://asthme-allergies.org /) a labellisé une application mobile, « Mon asthme » qui permet de contrôler la gestion des crises, d’effectuer un test de contrôle, d’assurer le suivi des traitements et de géo-localiser le malade à l’endroit où il se trouve, au moment des crises.

Ces deux exemples témoignent clairement de l’engagement des associations de patients dans la conception et la mise en œuvre de projets digitaux qui constituent des outils précieux pour l’amélioration au quotidien de la vie des malades.

 

Elargir et enrichir la relation entre patient et thérapeute

Même si certains professionnels et praticiens de santé éprouvent encore quelques réticences à l’endroit de patients devenus, si ce n’est savants, du moins experts, il est évident qu’un malade pourvu de connaissances sur sa pathologie représente un atout pour le professionnel de santé.

Dans cette optique, l’information en amont permet de réduire le temps passé en explications et de se recentrer sur le malade lui-même et son traitement. De ce point de vue, la e-santé enrichit considérablement la relation entre le médecin et le patient, en rééquilibrant le rapport dominant/dominé qui a longtemps caractérisé ce rapport.

« Ce qui est en marche, souligne avec force Giovanna Marsico, c’est l’émergence d’une décision médicale partagée. Il s’agit là d’une véritable révolution intellectuelle et culturelle.

De la décision paternaliste, (je choisis pour vous), en passant par la décision informée (à vous de choisir), on atteint un nouveau stade de relation entre le patient et le médecin : la décision partagée.

Cette décision prend en compte les valeurs et l’histoire du patient. Un parcours de soins est construit qui intègre les projets des deux acteurs. Dans cette démarche, l’expertise du patient est écoutée et valorisée. Un atout pour le thérapeute. »

 

Perspectives

Au cœur de la démarche de Giovanna, une idée forte : « Associer pleinement les patients à la conception même des projets qui leur sont destinés. A cet égard, le numérique en santé constitue un vecteur puissant de changement et de modification du statut d’un patient devenu patient-citoyen. »

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