CRÉATEUR DE PROXIMITÉ DIGITALE, FORMER,TRANSFORMER, RAPPROCHER

Quelque 100.000 applications santé et bien-être sont aujourd’hui proposées au public : mesure du rythme cardiaque ou de la tension, surveillance de la glycémie, test de la vue, dépistage du mélanome…

En France, sur les 27 millions de mobinautes (utilisateurs d’internet sur mobile),30% ont déjà téléchargé une appli de ce genre, mais 90% l’ont utilisée moins de cinq fois avant de l’abandonner, a fait remarquer Jean-Pierre Blum, conseiller technique de l’Assemblée nationale sur les questions numériques et santé, lors d’un colloque de l’Institut Droit et Santé. Et la méfiance reste de mise : parmi les « non mobinautes », 70% demandent une labellisation.
De fait, sur les vingt applis les plus téléchargées dans le monde, neuf ne respectent pas la protection des données, note Céline Deswarte, responsable politiques santé et bien-être à la direction générale pour les réseaux de communication, contenu et technologies de la Commission Européenne (1).
Les applis mobiles seraient-elles donc inutiles, voire dangereuses?

De l’hypocondrie à l' »e-pocondrie »

Ces outils peuvent « aider les patients et citoyens à être plus responsables, plus actifs pour leur santé, aider les professionnels dans leur pratique médicale quotidienne », réduire les coûts pour les systèmes de soins et constituer de « nouveaux débouchés pour les entreprises européennes », fait valoir Céline Deswarte. Les applis peuvent ainsi présenter un « intérêt majeur dans les urgences »participer au suivi des malades chroniques, « faire baisser le nombre de consultations en rassurant le patient sur des problèmes bénins et peu urgents », explique le Dr Blum.

Cependant, ces bénéfices ne sont pas évalués. « Quelle est la fiabilité du capteur, la pertinence médicale de la valeur mesurée, les preuves de l’intérêt et de l’efficacité en pratique courante? », s’interroge Nicolas Postel-Vinay, médecin à l’hôpital européen Georges Pompidou (Paris) et fondateur du site automesure.com. Il s’inquiète des risques d' »auto-interprétation » des données, « l’individu se compar[ant] à une norme collective via l’informatique ». Autre risque, le non-respect de la confidentialité des données, voire la surveillance des usagers. Aussi, Jacques Lucas, vice-président de l’Ordre des Médecins, délégué général aux systèmes d’information en santé, a rappeléles principes d' »information claire, loyale et appropriée », de « consentement de la personne », de « secret professionnel » et d' »accès aux soins ». L’Ordre souhaite la tenue d’un « débat public sur la collecte, l’utilisation, l’hébergement et le traitement des données de santé », a-t-il ajouté (2).

Difficulté à réglementer le secteur

Dans ce contexte, la nécessité de surveiller, voire de réglementer le secteur, fait quasiment l’unanimité.
Aujourd’hui, la directive européenne 95/46/CE pose le principe d’interdiction de collecte des données de santé, sauf consentement explicite de la personne, intérêt vital et objectifs de soins. Mais ce texte est « transposé de façon plus ou moins protectrice dans chaque Etat-membre », relève Céline Deswarte.
En outre, le cadre réglementaire des applis est difficile à définir : celles ayant une finalité médicale sont considérées comme des dispositifs médicaux, au contraire de celles ayant une finalité d’éducation ou de coaching sportif, explique Thierry Sirdey, directeur adjoint à la direction des dispositifs médicaux de diagnostic et des plateaux techniques de l’Agence de sécurité du médicament (ANSM). « Le cadre de mise sur le marché sera révisé à échéance 2018 », annonce-t-il. Une labellisation devrait voir le jour, dont le public devra être informé, poursuit Pierre Desmarais, avocat correspondant Informatique et Libertés.

Cependant, « la législation ira toujours moins vite que le progrès et les intérêts commerciaux », pointe Antoine Vial, expert en santé publique. Et de conclure sur la nécessité de produire une information publique de santé de qualité et d’associer les citoyens à l’élaboration des dispositifs.

Muriel Pulicani

1. La Commission européenne a achevé le 3 juillet une consultation publique (Livre vert) sur la santé mobile, dont les conclusions seront publiées fin 2014.
2. L’Ordre des Médecins publiera un Livre blanc sur la santé mobile fin 2014-début 2015.

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