CRÉATEUR DE PROXIMITÉ DIGITALE, FORMER,TRANSFORMER, RAPPROCHER

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Bracelet d’activité, montre, balance, brosse à dents, fourchette, patch à UV, pilulier, thermomètre, tensiomètre, glucomètre, électrocardiographe… La liste des objets connectés à vocation de bien-être, d’hygiène de vie et de gestion de maladies chroniques, comme le diabète ou l’insuffisance cardiaque, s’allonge de jour en jour. Les prix, de plus en plus abordables, leur assurent un succès commercial croissant. En France, un internaute sur quatre de plus de 15 ans utilise une appli, un bracelet ou une montre pour suivre sa santé, « essentiellement pour maintenir ou améliorer sa condition physique » et « faire de l’exercice », selon une étude récente de GfK. À l’échelle internationale, c’est déjà plus d’un tiers de cette population, surtout les 20-39 ans, qui est accro. Aux États-Unis et en Corée du Sud, où les coûts de la santé plaident davantage en faveur de la prévention, la percée de ces minicoachs médicaux est encore plus flagrante.

Les praticiens connaissent bien ces produits, dont certains sont homologués par les autorités de santé. Sur le conseil de son cardiologue, Rajesh Desai, investisseur dans la Silicon Valley et vigneron à ses heures, a ainsi acheté le seul électrocardiographe portable homologué par l’Agence du médicament américaine, après sa dernière opération du coeur en mars. « Je l’utilisais d’abord quotidiennement, explique cet homme atteint d’arythmie cardiaque. Aujourd’hui, seulement un jour sur trois. En cas de battements irréguliers, je lance l’application, je place deux doigts de chaque main sur un capteur de la taille d’un cookie posé sur mon téléphone et en 30 secondes, je sais si l’alerte justifie de consulter mon médecin. Cela me tranquillise et évite que je file aux urgences pour rien. »

Bientôt remboursés par la Sécu ?

Andrée Limbourg, diabétique de type 1 (insulinodépendant), utilise depuis trois ans un lecteur de glucose en continu, grâce à un système de capteur sous-cutané au niveau de l’abdomen, qui a considérablement amélioré son confort de vie. « J’ai moins besoin de penser à mon diabète, explique cette Canadienne installée à Paris. En cas de risque d’hypoglycémie, une alarme retentit et je peux réagir en avalant tout de suite un jus de fruit ou un morceau de sucre sans avoir à me piquer le doigt. » Cette quadragénaire avait fait fi des réticences de son médecin qui le trouvait trop coûteux (environ 1 000 euros pour le kit de démarrage). Depuis, est apparu le FreeStyle Libre d’Abbott, un produit un peu moins sophistiqué mais beaucoup moins cher (70 euros à l’achat, plus 60 euros pour les capteurs dotés d’un micro-filament inséré sous la peau, renouvelés chaque quinzaine) créant un véritable buzz. À tel point que la Haute autorité de Santé vient de donner, fin septembre, un avis favorable à son remboursement. Ce serait une première en France, aucun dispositif connecté n’étant pour le moment pris en charge par la Sécurité sociale.

Le sujet suscite, en revanche, l’intérêt grandissant des assureurs et des mutuelles de santé. Après avoir mis en ligne un guide gratuit d’évaluation d’une palette d’objets connectés, Harmonie Mutuelle a ouvert en avril sa première agence digitalisée, à Angers, pour présenter ces objets et leurs utilisations. Quant à Generali, il lancera en France le 1er janvier prochain le premier contrat comportemental visant à encourager une meilleure hygiène de vie (voir encadré ci-dessous).

Concours internes pour les salariés

Le monde de l’entreprise commence aussi à s’approprier ces équipements, afin de satisfaire aux nouvelles législations qui les obligent à tenir compte du bien-être des salariés. Total, SAP ou Roche ont ainsi fait appel à Withings, le champion français des objets connectés de bien-être, pour promouvoir le « bien-être collectif » via des concours internes. Outre-Atlantique, Target, l’un des poids lourds de la distribution, a équipé gratuitement 30 000 salariés de bracelets Fitbit. À charge pour eux de participer en équipe à une compétition d’un mois. À la clé, pour les vainqueurs, 1 million de dollars à verser à l’organisation caritative de leur choix ! La SNCF, elle, a sollicité l’automne dernier la participation de passagers du RER à une compétition : il s’agissait de comptabiliser leurs nombres de pas, afin de valoriser l’usage des transports en commun. Plus de 10 000 voyageurs-marcheurs ont joué le jeu !

De l’avis des utilisateurs, on devient vite accro. Il a suffi qu’on lui vole sa montre Activité Pop, pour que Frédérique Grigolato, une ancienne de la grande distribution aujourd’hui à la tête de sa propre entreprise Clic and Walk, en prenne conscience. « Le retour à la sonnerie du réveil a été violent ! Les vibrations de la montre, elles, vous réveillent en douceur, bien calées sur vos phases de sommeil léger », explique cette dynamique quadra qui n’en revient pas de la place prise par ce gadget dans sa vie. Lire sa courbe de sommeil fait désormais partie de ses rituels du matin, au même titre que consulter les SMS ou les mails. Elle garde aussi l’oeil sur son nombre de pas quotidiens. « Avec cet outil, je n’ai plus besoin de m’inquiéter de ma forme, je contrôle juste ce qu’il faut et j’ajuste mon comportement si besoin. D’autant que les récompenses virtuelles de l’appli et ses félicitations quotidiennes donnent envie de continuer », sourit-elle. Marcher plutôt que prendre le métro ou le bus, se coucher plus tôt ou faire une microsieste : Frédérique Grigolato a rapidement trouvé quelques clés pour améliorer sa forme. Et impossible de vivre sans ! Deux jours après le vol de sa montre, elle s’est empressée de commander la même. Noire, bien sûr. Et heureuse surprise, elle peut encore accéder à l’historique de ses données ! Pour Éric Carreel, le fondateur de Withings, récemment racheté par Nokia, « c’est cet accompagnement qui est vertueux ». En forme de challenge, parfois. Chaque semaine, ce randonneur chevronné qui affiche 10 millions de pas en un peu plus de deux ans, reçoit son « score » qu’il compare à celui de ses proches. « Je ne prends plus jamais la voiture, j’emprunte plus souvent les transports en commun et je marche. Ma femme aussi marche beaucoup plus depuis qu’elle est équipée, ajoute-il. La marche a ceci de formidable que plus on en fait, mieux on se sent. » 

Karine Ferri, la nouvelle présentatrice de « Danse avec les stars », est elle aussi devenue « addict » à sa montre Fitbit (elle est ambassadrice de la marque américaine). Depuis sa première maternité en janvier, elle jongle avec les horaires. « Elle m’aide, comme un coach, à surveiller mon sommeil, mon activité physique et mon alimentation », témoignait récemment la jeune femme. Autre ambassadeur de Fitbit, Yohann Diniz, finaliste à Rio du 50 km marche, utilise le bracelet pour réétalonner ses entraînements. « C’est aussi utile pour la préparation d’un marathonien amateur », assure le champion. Les sportifs sont en effet de bons « clients ». Avide de performance et adepte du kitesurf, Cédric Mangaud a développé un dispositif pour évaluer ses sauts et partager ses exploits. L’intérêt : « Si on est dans le top 10 des pratiquants du jour, tout le monde le sait », pointe ce quadra, qui a transformé son innovation en entreprise. Sa start-up PIQ vient d’ailleurs de décrocher le Prix de l’objet connecté 2016. « Se mesurer devient vite addictif, reconnaît-il. Cela peut pousser à se dépasser, au risque de se blesser. Quand je n’ai pas mon capteur, je prends spontanément moins de risques, je ne saute pas plus de 7 à 8 mètres… »

Bardé d’objets connectés, de la balance au pilulier, Rafi Haladjian – un pionnier du Minitel et d’Internet, créateur en 2005 d’un des premiers outils connectés, le lapin Nabaztag – met à profit tout ce qui permet de modifier en profondeur son comportement. Adepte précoce du « quantified self », ce barbu corpulent se pèse tous les jours depuis sept ans. Ce qui l’intéresse, plus que le verdict de la balance, ce sont les évolutions. « J’ai constaté sur le long terme de fortes fluctuations tous les six mois. Je fais donc des efforts lorsque les conditions sont les plus propices, ce qui m’a permis de traiter plus sereinement cette question de poids », note ce serial entrepreneur. De même, après avoir mesuré son sommeil pendant six mois, il a dû se rendre à l’évidence et changer ses habitudes. « Je ne suis pas un « warrior » auquel des nuits de 5 à 6 heures suffisent. J’ai besoin de 7 heures pour avoir les idées claires et l’humeur joyeuse. » Et il n’oublie plus jamais son comprimé antihypertension à prendre avant le coucher. « Attention, il faut vraiment qu’il y ait un bénéfice final, ce n’est pas un TOC », lance le sexagénaire. « J’ai arrêté de mesurer ma tension, cela n’intéressait pas mon médecin ! Mais c’est vrai que nous ne supportons plus de ne pas savoir. » Comme toute obsession, la « mesurocondrie » comporte des dangers. Et peut dériver vers le culte de la performance et la souffrance en cas d’échec. « On ne peut l’exclure », reconnaît la sociologue Caroline Guillot, responsable du Diabète LAB monté par la Fédération française des diabétiques. « Certes, la fréquence de l’autosurveillance des diabétiques peut être considérée comme excessive, voire angoissante, ajoute cette spécialiste. Mais nos études montrent qu’après l’enthousiasme initial, l’usage des lecteurs connectés se régule et se normalise en quelques semaines. »

Entre bien-être et santé, la frontière est de plus en plus ténue. La dernière balance connectée Withings surveille, par exemple, le rythme cardiaque ; celle du japonais Tanita mesure la « qualité du muscle » des sportifs. Quant à la nouvelle plate-forme BewellConnect lancée par Visiomed, spécialiste de l’électronique médicale, elle se propose d’être un véritable assistant personnel de santé. Elle associe les mesures d’une panoplie d’objets (comme la température, la glycémie, la tension, le poids, la concentration d’oxygène dans le sang, l’activité du coeur…) à un ensemble de services (du médecin virtuel BW Check-up, à la plate-forme de téléconseil My Doc), afin de répondre à toute inquiétude sur un mal de tête, un souci digestif ou d’hyperglycémie. En cas d’urgence, BewellConnect aiguillera l’utilisateur vers un médecin. « Accessible 24 heures sur 24, sept jours sur sept, cette plate-forme rassure quand il faut, et prend en charge quand c’est nécessaire », explique le PDG de Visiomed, Éric Sebban. Mais les produits de santé sont beaucoup plus réglementés que les simples gadgets de bien-être. Et leurs données transportées et stockées dans des centres d’hébergement homologués, secret médical oblige.

Le plus difficile, pour les aficionados, est peut-être de s’inscrire dans la durée. « Généralement, on s’offre le bracelet début janvier pour perdre du poids, comme on souscrit un abonnement à un club de gym. Mais au bout de quelques mois, il finit au fond d’un tiroir », observe Daniel Matte, de la société d’études Canalys. Pour éviter cette désaffection, les Fitbit, Apple et autres investissent dans le design, augmentent l’autonomie de la batterie, développent les services et misent sur le ludique. Caroline Blochet, la fondatrice de Medissimo, l’a bien compris. Ses prochains piluliers connectés proposeront aussi des jeux.

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/week-end/perso/sante/0211382920586-connecte-pour-rester-en-bonne-sante-2035083.php?Mew5ko2BXximBtL1.99

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